Ces médecins libéraux corses menacés de manière peu conventionnelle

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Le collectif de médecins libéraux corses a-t-il sous-estimé le succès de sa démarche ? La salle de conférence de l’hôtel Mercure de Biguglia était trop exiguë le samedi 16 mars pour accueillir tous les participants au séminaire intitulé “anticonformisme collectif” organisé par cette structure regroupant environ 300 praticiens libéraux de l’île, avec le concours de l’Union française pour une médecine libre (UFML).

Les médecins libéraux – et notamment les médecins généralistes – exigent des améliorations de leurs conditions de travail, notamment une revalorisation des tarifs des consultations et une réforme des règles de procédure de tarification. S’ils n’obtiennent pas satisfaction dans les négociations en cours entre leur syndicat et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), ils menacent de procéder à une déconvention, ce qui signifie qu’ils violeraient l’accord qui les lie à la CNAM. Cette pause leur permettrait de déterminer librement le montant de leurs frais, mais au prix fort de leurs patients : ils ne seraient plus remboursés par l’Assurance maladie à hauteur de 61 centimes d’euros par intervention.

Le docteur Cyrille Brunel, porte-parole du collectif Médecins Libéraux de Corse, souligne que “au fil des ans, nous avons accepté que nos conditions de travail se dégradent, notamment en Corse, qui est la région où les médecins gagnent le moins. Pourquoi acceptons-nous une telle dégradation ? Parce que nous pensons que si nous exigeons de meilleures conditions de pratique, nos patients en souffriront. Cela déclenche un sentiment de culpabilité qui est ensuite utilisé par l’État comme outil pour agir.” Une page que ces professionnels se disent déterminés à ouvrir.

Le séminaire a été ponctué d’une dizaine d’interventions destinées à démontrer le bien-fondé de leurs revendications et les moyens d’action choisis pour faire pression sur l’Assurance maladie. Parmi les intervenants figuraient des médecins comme Franck Chaumeil, un médecin généraliste basé à Bordeaux qui a choisi, en 2019, de partir en Suisse. Un pays où fonctionne la médecine libérale “une tarification liée au temps passé avec le patient et à la complexité du dossier” où il a fait une présentation en forme de miroir inversé de la situation en France : des patients respectueux, des tâches administratives rémunérées, une vingtaine d’actions par jour et un revenu moyen pour un généraliste en milieu de carrière, l’équivalent de 12 000 euros mensuel.

Viennent ensuite les témoignages de praticiens ayant pris des risques, comme des médecins Rosalie Nguyen, un professionnel basé à Seine-Saint-Denis, déréglementée à partir de septembre 2023. “Depuis, j’effectue des journées de travail se terminant à minuit”. Il explique : “En matière de prix, j’agis judicieusement et n’en fais pas trop. Au cours des six derniers mois, j’ai effectué 8 % d’interventions gratuites, 28 % d’interventions peu rémunérées et le reste, je facture mes propres tarifs. De cette manière, j’arrive à maintenir mes revenus et à m’adapter aux situations individuelles de mes patients.”

L’Assurance Maladie affirme prendre très au sérieux les menaces de retrait des médecins en colère. Nicolas Adjemian, directeur de la CPAM de Haute-Corse, a également participé au séminaire avec un seul objectif : entretenir le dialogue. Il a déclaré : “Si la France a un modèle unique dans lequel chacun a accès aux soins, c’est grâce à l’accord liant les médecins à l’Assurance maladie, c’est pourquoi nous souhaitons poursuivre les discussions et parvenir à un compromis”. Avant de détailler les propositions avancées : une augmentation du prix d’une consultation de base de 26,50 à 30 euros, la mise en place d’une consultation longue à 60 euros pour les personnes âgées, une augmentation de l’allocation montagne pour les praticiens corses…

Ces propositions suffiront-elles à repousser les médecins qui menacent de démissionner ? Si l’on en croit le ton du discours de ce samedi à Biguglia, rien n’est moins sûr. Les médecins libéraux corses se sentent menacés de manière peu conventionnelle et se disent déterminés à poursuivre leur lutte pour l’amélioration de leurs conditions de travail.

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