Le malaise des jeunes continue de s’aggraver

Nous avons recueilli de longs témoignages de deux jeunes touchés par ce phénomène. Mathilde, 24 ans, étudiante en école vétérinaire, est malade depuis six ans. Ses premiers symptômes apparaissent lors de ses classes préparatoires à Bordeaux. « J’ai eu des crises d’angoisse, des crises de tétanie », dit-elle. « Je ne peux plus bouger, parler… Inconforts répétitifs. Je pleure beaucoup, tous les soirs, même quand je fais les choses que j’aime. »

« J’ai souffert d’insomnie pendant des années, je ne dormais qu’une heure ou deux chaque nuit. » un profond malaise avec des idées très sombres, auxquelles il ne voulait pas penser. Il sort rarement de chez lui, craignant la foule, et la période d’isolement pendant le Covid n’a pas arrangé les choses. « Moi d’abord [confinée] avec deux amis proches et je n’ai pas vu le reste du monde. Mais ensuite, le retour de tout le monde dans la rue a été un grand changement. »

Même des changements brutaux se produisent encore aujourd’hui. Mathilde souffre toujours d’agoraphobie. Elle doit une grande partie de son étape de reconstruction à ses amis : ce sont eux qui ont remarqué des changements dans son comportement. « Ils m’ont encouragé à consulter un médecin. On m’a diagnostiqué une dépression, ils m’ont dit de voir un psychologue pour essayer de parler. Cela m’a beaucoup aidé ! Parler à quelqu’un qu’on ne connaît pas, c’était difficile au début, mais c’est bien, ça nous aide à analyser ce que nous pensons. »

Malade, Mathilde accepte de prendre des médicaments pour calmer son anxiété. Actuellement, elle vit en banlieue parisienne, dans une résidence étudiante : 12 m², table, lit, canapé et lapin de compagnie. C’est son « cocon », où elle se réfugie lorsqu’elle ne se sent pas bien. Parce que les choses qui l’inquiétaient étaient toujours très nombreuses : « Toutes les histoires politiques et environnementales ne nous aident pas à avoir l’esprit tranquille dans la vie. Il y a un grand fossé entre la génération de nos parents et la nôtre. »

Son anxiété n’avait pas complètement disparu mais elle se sentait plus apaisée aujourd’hui… Elle n’était pas non plus à l’abri de nouveaux chocs. Mais elle se sentait mieux préparée à y faire face.

Romain a vécu une crise de dépression aiguë pendant le Covid… L’étudiant a aujourd’hui 22 ans, et son anxiété est là depuis ses années lycée : peur d’être jugé par les autres, peur de ne pas être aimé… « Beaucoup de pensées, beaucoup de pensées dans ma tête. Cela m’empêche d’avoir une perspective sur ce qui se passe. Nous les appelons des pensées anxieuses, elles critiquent votre estime de soi et vous rabaissent tout le temps, et elles vous empêchent de vivre dans l’instant. »

Pour Mathilde, la crise sanitaire et le Covid ont amplifié ses inquiétudes. Elle est même devenue accro aux jeux vidéo : elle passait toutes ses journées devant sa console. « J’ai beaucoup joué pour éviter cette situation où j’étais mentalement malade. Cela m’a permis d’oublier cette situation et d’endormir ce processus anxieux et dépressif. Mais cela n’a fait que chasser ces pensées, et elles n’étaient pas justes. Ce n’est pas en fuyant que nous résoudrons ce problème. »

Actuellement, Romain se reconstruit. Elle travaille dans le service communautaire, sensibilisant les collégiens et lycéens à la vie sexuelle et à la santé mentale. Elle ne comprenait pas pourquoi c’était encore un tabou. Elle a appelé à un début de lutte contre ce fléau de santé publique : « La santé mentale est invisible. Nous devons réussir à la rendre plus visible et le pays doit bouger. Pour que nous puissions en parler et trouver des solutions. Nous devons y prêter attention de toute urgence. »

Il y a urgence : ces observations sont partagées par des spécialistes de la santé mentale. Selon les chiffres d’une recherche réalisée par l’Université de Bordeaux, que nous portons à votre connaissance ce matin, 41 % des étudiants présentent des symptômes de dépression (26 % avant le Covid). Cela représente 15 points de plus en seulement quatre ans. Dans la même période, les pensées suicidaires chez les 18-24 ans ont augmenté de 21 à 29 %. Leurs préoccupations sont connues : difficultés économiques, études de plus en plus sélectives qui génèrent du stress, chômage… Et pire encore, certains facteurs sociaux pèsent sur le moral des jeunes générations. Ils évoquent presque tous le contexte géopolitique, les conflits internationaux et le changement climatique, qui rendent leur avenir encore plus incertain.

Le problème est que la structure porteuse est surchargée. Les mêmes constats se produisent dans les hôpitaux, dans les centres médico-psychologiques ou chez les médecins libéraux : trop de patients et pas assez de médecins, pas assez d’établissements spécialisés. Dans sa déclaration de politique générale du 30 janvier, le Premier ministre Gabriel Attal a assuré vouloir faire de la santé mentale des jeunes une priorité absolue. « une cause majeure de l’action gouvernementale ». « Il est temps de mobiliser des ressources, beaucoup de ressources » a expliqué le chef du service de psychiatrie d’un hôpital parisien. « Si nous n’agissons pas maintenant, nous serons confrontés à toute une génération de sacrifices dans les prochaines années. »

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *