Réécrire cet article unique avec une rédaction humaine à 100 % de qualité supérieure
Le projet de loi qui propose l’« aide à mourir » s’adresse aux patients adultes capables de distinguer des maladies incurables – mortelles à court ou moyen terme – et souffrant de souffrances physiques ou psychologiques insurmontables. À première vue, cette proposition semble raisonnable et chacun peut se consoler : « Quoi qu’il m’arrive, je n’aurai pas à supporter des souffrances intolérables, j’ai une échappatoire ». Mais pourquoi la majorité des soignants, qui n’étaient ni religieux ni philosophes, se sont-ils catégoriquement opposés à ce projet, estimant qu’il n’était utilisé que dans des situations exceptionnelles ?
Un soignant va se battre toute sa vie pour essayer de sauver des vies. L’euthanasie ou le suicide assisté – le président a utilisé le terme anxiolytique d’« aide à mourir », sans supposer que l’option choisie relève de ces deux derniers termes – apparaît donc comme un défi fondamental à son engagement. Surtout, les soignants, comme Robert Badinter, sont des défenseurs de la vie !
Rappelons que l’ancien garde des Sceaux, opposé à toute forme de peine de mort, avait déclaré : « Sur ce point, je ne changerai jamais. Personne ne peut ôter la vie à autrui dans une démocratie. » Le gardien ne changera pas non plus. Et imaginez un soignant disant : « Nous ne pouvons pas vous libérer. Avez-vous déjà pensé à l’aide médicale à mourir ? »
La douleur cancéreuse est insuffisamment traitée dans notre pays : un rapport de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) publié en 2017 estimait le « sous-traitement » à 61 %. Rappelons que près de trois millions de nos concitoyens vivent avec cette pathologie et que, pour 30 à 45 % d’entre eux, elle est associée à des douleurs et, jusqu’à 75 à 90 %, à des stades avancés de la maladie. Concernant les soins palliatifs, où sont traités ce type de douleurs terminales, la Cour des comptes, dans son rapport 2023, estime que le besoin « ne sera couvert qu’à 50 % » pour les 380 000 patients qui bénéficieraient probablement de soins palliatifs. Environ 1,5 milliard d’euros sont consacrés chaque année aux soins palliatifs ; Le président républicain prévoit une aide supplémentaire de 100 millions par an, un effort largement insuffisant pour combler le déficit.
Le risque qui apparaît est donc celui d’un accès de plus en plus facile au « droit de mourir dans la dignité » médiatisé par des substances mortelles, coûtant quelques euros, par rapport à des traitements complexes, parfois longs et toujours coûteux.
Cette démonstration s’applique également aux douleurs chroniques non cancéreuses. Douze millions de Français souffrent de cette maladie, 70 % se déclarent insatisfaits de leur traitement et seulement 3 % sont soignés dans 300 centres de douleur chronique. Les thérapies non médicamenteuses et les thérapies innovantes (électrostimulation cutanée, stimulation magnétique transcrânienne, stimulation médullaire) sont encore difficilement accessibles – voire non remboursées – laissant des dizaines de milliers de patients souffrant et parfois suicidaires. Tous ces patients qui n’y ont pas accès, que peuvent-ils espérer d’autre que la mort ? Peut-on envisager ce droit de mourir sans l’accompagner préalablement du « droit » à un accès immédiat à un spécialiste de la douleur et au traitement analgésique le plus efficace ? Même si ce projet de loi fait partie de toutes les conversations, nos concitoyens savaient-ils que la médecine de la douleur n’est toujours pas reconnue comme une spécialité en soi ? Que 30 % des bâtiments publics risquent de disparaître dans les années à venir, faute de ressources financières et humaines ? Cet analgésique privé était presque mort avant même qu’il ait vécu ?
Sous couvert de « fraternité », de « solidarité » ou de « dignité », ce projet de loi va, paradoxalement, accroître les inégalités : ceux qui savent ou en ont la capacité recevront un traitement optimal pour leurs souffrances, et pour les autres une « aide à mourir ».
Marc Lévêque est neurochirurgien à Marseille, spécialiste de la douleur et auteur de divers ouvrages sur le sujet, dont « Libérons-nous de la douleur », aux éditions Buchet-Chastel, 2022, 240 pp., 18,50 €.