Le mouvement paysan a soulevé de nombreuses questions et demandes de simplification des normes, des revenus et même de l’héritage. Malgré ces exigences, les opérateurs ont décidé de prendre les choses en main. C’est le cas de la Ferme du Vieux Puits qui produit 10 000 yaourts par semaine dans un seul contenant pour valoriser son lait.
Philippe Savalle s’est installé à Pissy-Pôville, près de Rouen, en 2002. Sur son exploitation, il possède une soixantaine de vaches laitières d’une production de 340 000 litres par an qui appartiennent jusqu’en novembre 2023 entièrement à la coopérative Sodiaal. Parallèlement, avec ses salariés agricoles, il gère une ferme pédagogique deux mois par an et un magasin à la ferme vendant des produits locaux. Très communicante et ouverte, la Ferme du Vieux Puits attire également plus de 7 500 visiteurs lors de ses portes ouvertes chaque premier week-end de septembre.
Mais Philippe Savalle doit évidemment prendre en charge les frais de production et de vente de son lait : « En avril 2023, par l’intermédiaire de Richard Follin, chef du campus de Clères, j’ai été contacté par J’ai acheté Farmer. Il s’agit d’une startup fondée par l’agriculteur André Bonnard basé en Rhône-Alpes qui recherchait des agriculteurs pour les aider à vendre leur lait autrement. Il recherchait une exploitation en Seine-Maritime pour produire du yaourt de manière flexible. Alors, en plus de vouloir promouvoir mon allaitement, nous avons accepté le défi même si je manquais de temps.
“Pour l’instant, nous avons rejoint un réseau de neuf constructeurs en France”, poursuit l’opérateur. Un investissement de 30 000 euros a été nécessaire pour l’entreposage frigorifique, les canalisations de lait, l’espace de stockage des emballages, mais aussi la formation à l’hygiène alimentaire et l’obtention des agréments avec l’aide de start-up.
C’est ainsi qu’à partir du 1er novembre 2023, la Ferme du Vieux Puits prévoit de transformer 78 000 litres par an en yaourt « dont 80 % vont aux clients ». J’ai acheté Farmer et le reste pour nos propres clients et à mes tarifs, conservant ainsi la certification Agri Ethique France. Au total, nous fabriquons onze parfums, dont six uniquement pour nos clients. Avec mon épouse Corinne, qui travaillait auparavant dans un hôpital, nous consacrons quatre jours par semaine à la start-up et une journée à nous. Cela représente au total 10 000 yaourts vendus par exemple au lycée Thomas Corneille de Barentin, à l’école de Malaunay, au collège Jean Zay d’Houlme, à la boulangerie de Pissy-Pôville ou encore à l’épicerie de Houppeville. Ces produits sont très appréciés et nous avons déjà des demandes et de nouvelles idées pour les crèmes desserts et le lait pasteurisé », explique Philippe Savalle.
« La vraie solution est de payer notre lait au juste prix »
Ainsi, les opérateurs peuvent augmenter leurs revenus. « Au lieu de vendre mon lait à 0,40 centime le litre à la coopérative, mon lait est tarifé à 0,50 centime par la startup via ses ventes et 0,60 centime par notre réseau. Cela nous permet d’entretenir la ferme et de payer à temps plein. Si nécessaire, nous pourrons augmenter notre part l’année prochaine pour répondre à la demande. De plus, nous avons formé une coopérative avec d’autres membres pour centraliser l’achat de pots, d’emballages et d’extraits naturels. Je choisis aussi d’acheter du sucre localement, à la Sucrerie de Fontaine-le-Dun pour fabriquer des yaourts 100 % normands.
Philippe Savalle avoue que « c’est un nouveau métier pour nous. Si vous nous demandez si la transformation à la ferme est une solution à la crise agricole, je vous donnerai la réponse de Normand : oui s’il faut survivre et non, car ce serait dommage de ne pas vivre pleinement de nos produits et de prendre la place des autres dans un secteur. La vraie solution est de payer notre lait au juste prix ! ».