Si la Boutique Solidarité, située rue du Général De Gaulle à Saint-Denis, était présente à la fête d’hier, le nombre de personnes accueillies avait triplé en trois ans. Les célébrations du 30e anniversaire de la Boutique, gérée par la Fondation Abbé Pierre, ont mis en lumière le manque de réponse collective aux besoins des publics les plus vulnérables. “En 2023, 1 177 personnes seront accueillies, soit une moyenne de 97 personnes par jour. Plus de 20 000 petits-déjeuners ont été servis et 800 bons d’alimentation distribués. La Boutique Solidaire est à bout de souffle et ne peut plus fonctionner correctement tant elle reçoit de monde, ” regrette Sylvie Leclaire, chargée de projet dans la structure. “Les pouvoirs publics doivent s’engager davantage à nos côtés pour lutter plus durement contre l’exclusion et l’insécurité.”
Les personnes admises au magasin connaissent bien la précarité de la situation. Qu’ils soient sans abri, isolés, demandeurs d’asile ou travailleurs pauvres, Solidarity Boutique est souvent pour eux un lieu de rassemblement. Café, petit déjeuner, douche, lave-linge… En plus des prestations de ménage, peuvent également s’inscrire par courrier à la Boutique, mais peuvent également y être suivis médicalement grâce au Accès Permanent aux Services de Santé (Pass) en partenariat avec les Hôpitaux Universitaires. Les personnes accueillies peuvent également bénéficier de ressources en termes de démarches administratives, de recherche d’emploi et surtout en termes de logement. C’est le cas de Julien* qui trouve un logement “il y a environ deux ans et demi”.
Hier, il est passé faire “Bonjour, vite” aux personnes qu’il rencontre et qui le soutiennent et le guident dans l’accès à ses droits. Le jeune homme a ensuite passé deux ans dans la rue “problème” avec sa famille. Il se souvient bien des appels téléphoniques incessants au 115 (un numéro d’urgence qui vient en aide aux sans-abri et aux personnes en grande difficulté sociale). “à 8h30, puis à 11h30 “en espérant qu’il ne passe pas la nuit dehors. “C’est épuisant physiquement et moralement,” il se souvenait. Il a eu son logement merci “vers l’appareil DALO” ainsi qu’aux travailleurs et assistantes sociales de la Boutique. “Il faut être patient,” il dit. Ce dispositif permet aux demandeurs de logement social, dans certaines situations, de voir leur demande reconnue en priorité et de se voir ainsi proposer une solution de logement digne dans un délai de 6 mois. Il a attendu environ un an.
Tout le monde n’a pas cette chance. Ibrahim est à la rue depuis 2021 et vit un divorce compliqué avec son ancienne compagne. On le retrouve ainsi que son malheureux collègue qui porte le même prénom, au centre d’hébergement d’urgence ouvert à Champ-Fleuri, lors de l’épisode Belal. Il s’y rend avec des compatriotes comoriens, veillant sur les personnes âgées atteintes de maladies chroniques. Ibrahim cherche un logement depuis près de trois ans. L’homme, une quarantaine d’années, suit actuellement une formation auprès de France Travail (anciennement Pôle Emploi) pour acquérir les compétences de lecture et d’écriture du français. “Cela fait deux semaines qu’on dort dehors sans arriver à trouver une solution avec le 115,” dit-il, déçu de la situation. Si votre réflexe matinal avec vos amis est d’aller à la Boutique Solidaire, “La nuit, tout le monde cherchait une solution : un passage où s’abriter. De nos jours, il est difficile de dormir dehors, il pleut souvent à Saint-Denis.”
Issy est également en difficulté en ce moment. Le réfugié congolais de 30 ans a grandi en Afrique du Sud et il se rend régulièrement à Solidarité Boutique afin que son équipe puisse l’aider dans ses démarches administratives, notamment en tant que demandeur d’asile. L’homme – qui s’est excusé pour son niveau de français, même si cela était tout à fait compréhensible – a déclaré “vivre à 115 ans” depuis son arrivée à la Réunion il y a deux mois. Mais il est rare qu’il cherche refuge dans un hébergement d’urgence. Ces ingénieurs logiciels qualifiés ne perdent pas espoir. Tout comme Yasmine, résidente de l’immeuble SIDR situé rue Richard Wagner à Sainte-Clotilde. Présent hier à Solidarité Boutique, il y a une habitude “À cause de problèmes d’eau chez moi,” a-t-il admis, il devait venir laver ses vêtements et se doucher dans l’immeuble.
“Il y a une dizaine de femmes chaque matin qui s’y rendent 100 à 150 personnes chaque jour,” a déclaré Stéphanie Lebon, travailleuse sociale. Car le centre est ouvert de 07h00 à 11h30, puis jusqu’à 15h30 sur rendez-vous (administratif, professionnel ou sanitaire). La structure survit à 95% grâce aux dons. Une situation difficile à maintenir, surtout dans des moments comme ceux-ci “L’insécurité alimentaire s’ajoute à l’insécurité sociale. ” “Combien de morts faudra-t-il pour que nos élus municipaux fassent de la fin de cette situation dramatique une priorité politique ?” a déclaré l’un des employés de la structure. “L’impuissance de la communauté continue,” dit Sylvie Leclaire. “Bien qu’il y ait des conséquences tragiques à mettre en compétition des personnes dans des conditions insalubres. Cela a été fait en créant de nouveaux critères pour évaluer leur vulnérabilité et justifier la négligence des communautés isolées. L’accommodement inconditionnel est devenu une option. Notre pays est-il pleinement garant de la mise en œuvre du droit au logement ? Il ne faut pas que les Réunionnais s’habituent à voir une femme et un enfant subir un sort aussi triste.”
‘Hugo DELAGRAYE