Crise psychiatrique à Toulouse : « tout est brisé »

Lors de sa visite au CHU de Toulouse le 20 février, le ministre chargé de la santé, Frédéric Valletoux, a exprimé de vives inquiétudes quant aux lacunes dans la prise en charge des patients psychiatriques dans la métropole toulousaine. Il a appelé les entreprises privées à « faire leur part ». Cette déclaration fait suite au suicide d’un patient en consultation psychiatrique à Purpan, le 14 février, qui avait été au cabinet depuis plusieurs jours.

C’est en réalité une série de tragédies qui a mis en lumière une crise critiquée depuis des mois, voire des années, par les soignants du CHU. « Ces deux premiers drames, agression sexuelle et viol, se seraient produits comme les drames précédents, sans aucun avertissement de la part des soignants », explique une infirmière travaillant dans le domaine de la psychiatrie à Purpan depuis plus de 10 ans. S’ensuit une vague d’arrêts de travail dans toutes les unités, signe d’un épuisement généralisé.

Des frais supplémentaires et définitivement permanents ont ajouté à la gravité de la situation. « Quand on doit soigner des patients qui sont dans la salle de repos, on est obligé d’y retourner toutes les heures, cela demande une charge de travail et puis on rajoute des admissions de détenus, et ainsi de suite. En conséquence, nous sommes arrivés en temps de crise. En fait, j’ai réalisé qu’au cours de l’année écoulée, j’avais perdu deux ou trois fois mes capacités face aux patients… En une année, j’ai fait plus d’erreurs que les deux années précédentes, j’ai senti qu’il y avait une certaine provocation qui était faite. Je me suis tout de suite relevé même si auparavant j’arrivais à avoir de la clarté pour analyser la situation, seulement quand on n’a pas l’esprit clair c’est beaucoup plus compliqué », explique un soignant qui a souhaité garder l’anonymat.

Il estime que les rares « petits moments » que les professionnels peuvent passer avec les patients sont en danger, mais ils sont importants dans les soins psychiatriques. « Déjà en temps normal, savoir ce qui ne va pas chez quelqu’un est compliqué, donc avec des maladies supplémentaires, il faut un peu plus de finesse, chez des patients qui, il ne faut pas l’oublier, ne veulent pas être là ». Parfois, des patients sont hospitalisés contre leur gré, souffrant de pensées suicidaires, pour lesquels ils ont besoin de « se réanimer ».

Un collègue explique l’impact d’un sureffectif permanent de patients. En cas d’urgence, mais aussi sur d’autres unités : « Nous avons une unité de soins où nous sommes censés accueillir un nombre limité de personnes, sauf quand nous arrivons à 17 heures quand le responsable et les médecins du service sont partis, les patients des urgences seront aussi traités systématiquement, ce qui fait que ces pauvres gens, au lieu de cela – au lieu d’être reçus dans la chambre normale qui leur est destinée avec une qualité d’accueil, sont ceux qui vont arriver dans la chambre d’isolement, c’est très difficile ».

Les délais d’attente pour les soins aux patients sont très importants, ce qui est critiqué par les groupes d’entraide (GEM) qui ont été les premiers à constater les lacunes du système. Les GEMS apportent une aide au quotidien aux patients, comme c’est le cas de Bipôle 31 à Toulouse, qui compte 120 membres et organise des groupes de soutien et d’échange pour les personnes atteintes de trouble bipolaire. Les proches appellent souvent l’association lorsqu’il n’y a pas de chambre à l’hôpital et qu’il est difficile de trouver un psychiatre.

Attendre au plus fort de la crise a été le pire pour Michel, membre de Bipoles 31 : « La meilleure image est d’imaginer que votre dent est infectée, que toute votre mâchoire est infectée, que vous souffrez atrocement, et puis on vous dit : vous irez à l’hôpital ou à la clinique dans un jour ou deux. Semaine, psychiatre CMP la prochaine [centre médico psychologique] disponible dans 9 mois (…) cela réduit la probabilité car le risque de suicide augmente significativement : dans le trouble bipolaire, le risque est 5 fois plus élevé que la moyenne nationale ».

Une étude de l’Observatoire régional de la santé mentale d’Occitanie réalisée en 2022 dans 10 établissements de santé psychiatrique du département de la Haute-Garonne (2 publics et 8 privés) a constaté une « aggravation de la situation clinique en raison de très rares retards dans le temps » et une usure du personnel. L’enquête a également révélé que toutes les prestations de l’Hôpital Central Gérard Marchant (hôpital public spécialisé en psychiatrie et santé mentale) à Toulouse étaient en sous-effectif.

Une manifestation est prévue jeudi 14 mars à 9h30 devant le CHGM pour protester contre la gestion des ressources humaines de l’institution.

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